dimanche 14 septembre 2014

Cérémonie du Pluviôse - Mon discours



Discours du 13 septembre 2014
Eric KOEBERLÉ, Maire de Bavilliers.

Monsieur le Conseiller Général,
Mesdames et Messieurs les Adjoints,
Mesdames et Messieurs les Conseillers Municipaux,
Mesdames et Messieurs les élus,
Messieurs les membres de l’association des anciens marins,
Mesdames et Messieurs,

Tout d’abord, je remercie chacun d’entre vous de votre présence aujourd’hui, pour commémorer ensemble la tragédie du naufrage du Pluviôse. Comme chaque année, Bavilliers rend hommage aux marins morts le 26 mai 1910 dans la rade de Calais.
Pour comprendre ce drame national, il est essentiel de le replacer dans le contexte de l’époque.
En mai 1871, la France et la Prusse signent le traité de Francfort. Au lendemain d’une lourde défaite militaire, la France est contrainte de céder à la Prusse une partie de son territoire, à savoir : la Moselle ainsi que l’Alsace à l’exception de l’arrondissement de Belfort.
En France, cette défaite fait naître un important sentiment de frustration. La reconquête des provinces perdues devient une priorité et sera d’ailleurs l’un des motifs qui conduira, plus tard, au déclenchement de la Première Guerre Mondiale.
Le traité de Francfort permet aux Alsaciens qui le souhaitent de conserver la nationalité française. Ils doivent pour cela quitter la région avant le 1er octobre 1872.
A cette époque, Alfred Engel et Emilie Kœchlin dirigent les usines textiles DMC à Mulhouse. Ils font partie de ces dizaines de milliers d’alsaciens qui ont choisi la France.
Ils décident de transférer leur activité à Belfort, sur le site de l’actuel Technopôle. Ils choisissent de s’installer à Bavilliers où ils achètent le domaine de la Charmeuse.
Ils se marient le 15 février 1873. De leur union naissent 4 enfants. L’exil de la famille Engel marque leur choix d’orientation professionnel :
-         Alfred Georges intègre l’armée,
-         Pierre intègre la marine,
-         Le mari de Marguerite intègre également la marine,
-         Henriette créé le « mouvement des femmes », ancêtre de la Croix Rouge et met sa demeure de la Charmeuse à disposition pour l’accueil des officiers blessés pendant la guerre de 1914 à 1918.

Revenons un instant sur le destin de Pierre Engel. Né le 24 août 1880, il suit une scolarité à Belfort puis à Paris. En 1898, à l’âge de 18 ans, il intègre l’Ecole Navale.
Il embarque ensuite à bord du croiseur-cuirassé le « Victor Hugo » en qualité d’aspirant.
Pierre Engel n’ignore pas à quels dangers il s’expose, mais il obéit au sentiment du devoir et à la conviction du succès futur de nos flottilles sous-marines.
Promu Enseigne de Vaisseau, il passe sur le croiseur « Jauréguiberry » et participe à la campagne du Maroc.
De retour en métropole, il est affecté à Toulon.
Le 27 mai 1905, le « Pluviôse » est mis en chantier à l’Arsenal de Cherbourg. Ce sous-marin a une longueur de 51 mètres et une largeur de 5 mètres. Il est le premier d’une classe de sous-marins construits à 18 exemplaires.
Le 5 octobre 1908, le « Pluviôse » est mis en service. Il est affecté à la base sous-marine de Calais. Son équipage se compose de 2 officiers et de 24 marins. C’est l’un des fleurons de la flotte submersible française.
Pierre Engel embarque alors à bord du « Pluviôse », dont il devient le commandant en second.
Jeudi 26 mai 1910, dans l’après-midi, deux sous-marins de la même série, le « Pluviôse » et le « Ventôse » effectuent des exercices de plongée et de torpillage au large de Calais.
Dans le même temps, à 13h36, le paquebot le « Pas-de-Calais » quitte Calais pour effectuer la traversée vers Douvres.
A 13h45, le « Pluviôse » entame sa remontée à la surface. Il se trouve précisément sur la trajectoire du « Pas-de-Calais ». Déjà à pleine vitesse sur sa route, celui-ci éperonne le sous-marin par l’arrière, à 2 500 mètres de la côte.
La coque est éventrée. L’eau s’engouffre très rapidement dans le submersible. Il disparaît dans les profondeurs.
A bord, Pierre Engel comprend immédiatement qu’une remontée du navire par ses propres moyens est impossible. La seule chance des marins peut désormais venir de l’extérieur. Il tente, en vain, de détacher la bouée téléphonique. Elle doit permettre de faire remarquer rapidement la position de l’épave, puis de communiquer ensuite avec un des navires participant au sauvetage.
Un scaphandrier descend jusqu’à l’épave qui repose à 17 mètres de fond. Il frappe sur la coque. Aucune réponse. Il faut se rendre à l’évidence : il n’y a plus aucun survivant à bord.
Plus tard, l’enquête démontrera que les marins n’ont pas survécu plus de 10 minutes. Leurs montres étaient arrêtées à 14h10.
Le 22 juin, à Calais, les funérailles solennelles ont lieu en présence du Président de la République Armand Fallières et du Premier Ministre Aristide Briand. Plusieurs centaines de soldats en armes sont présents, au nombre desquels figure un jeune officier dont l’Histoire retiendra le nom : Charles de Gaulle.
Après la cérémonie, les cercueils des marins sont transférés vers leurs terres natales.
La dépouille de Pierre Engel est exposée au salon du château du Chênois, transformé en chapelle ardente. La 26 juin, dix mille personnes le conduisent à sa dernière demeure.
En 1912, son père, Alfred Engel, fait édifier un tombeau pour son fils dans le cimetière de Bavilliers. Il tient également à associer à la mémoire de son fils, celle de tous ses camarades morts pour la France : il demande donc à ce que les noms des 27 marins disparus soient inscrits sur le monument.
Après la Première Guerre Mondiale, la famille Engel retourne vivre à Mulhouse. Elle fait transférer le corps de Pierre Engel dans le cimetière de Mulhouse, mais le monument reste à Bavilliers.
La famille Engel a largement participé au développement économique de la Ville de Belfort. Après le décès d’Emilie Kœchlin, elle a cédé gracieusement le Château du Chênois à la Ville de Bavilliers. Elle a financé la construction du réseau d’eau potable qui dessert toutes les habitations de Bavilliers.
Au nom de notre Ville, je tiens à rendre l’hommage qui leur est dû à Pierre Engel et à ses camarades du « Pluviôse ».
Merci.